le rivage : les jours terrestres du héros étaient terminés. Ils virent le dragon étendu sur le sol en face de Beowulf : le dragon avait péri par sa propre flamme ; son corps avait cinquante pieds de longueur ; jadis il fendait l’air pendant la nuit et redescendait ensuite dans son antre ; à cette heure il avait cessé d’avoir la jouissance des cavernes. Autour de lui on voyait étendus des plats, des coupes et des épées de prix rongées par la rouille, car ces objets étaient restés mille ans dans le sein de la terre depuis le moment où ils avaient été enchantés et où défense avait été faite à tous les hommes de toucher à la salle, à moins que Dieu lui-même (il est le soutien des vivants !) ne permit d’ouvrir la cachette à qui lui semblerait bon.
On vit alors que le combat n’avait pas profité au dragon. Celui-ci avait tué quelques hommes, mais il avait reçu une punition sévère. Beowulf était mort aussi, car il n’est donné à aucun homme de jouir longtemps de ce monde. Beowulf, en allant affronter les embûches du dragon, ne savait ce qui lui arriverait, car ceux qui avaient déposé là le trésor l’avait enchanté jusqu’au jour du jugement en sorte que celui qui foulait ce lieu se couvrait de péchés et s’attachait aux liens de l’enfer. Or Beowulf n’était pas avide, et préférait la faveur divine aux trésors.
Wiglaf, fils de Weohstan, parla ainsi :
« Beaucoup d’hommes doivent souvent supporter, par le fait d’un seul, le poids de l’infortune, et c’est ce qui nous est arrivé. Aucun de nos conseils n’a pu empêcher le roi d’aller trouver le dragon et de le laisser habiter son antique demeure jusqu’à la fin des temps. Le destin a été sévère à notre égard en attirant ici notre roi1. — Je pénétrai à grand peine jusqu’à la salle et je pus voir à l’intérieur toutes les parures qui la couvraient. Je me hâtai de prendre une grande charge d’objets précieux et