Aller au contenu

Page:Bera - Double Histoire - Histoire d un fait divers.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’entrée des nuits. Au contraire, je me sentais dispos, léger, plus prêt à l’action qu’au sommeil, et sans la présence de ma garde je me serais levé pour essayer mes forces.

Il y avait si longtemps que mon pied n’avait goûté le plaisir de fouler la terre ! Oui, maintenant cela me semblait un vif plaisir, et je ne voulais plus me rappeler combien j’en avais été las. Cependant, j’avais cherché dans la mort le repos ou le changement ; cette terre, je l’avais repoussée et maudite ; j’avais cru la fuir bien loin dans d’autres espaces ; mais, à mesure que mes sens se ranimaient, je sentais se renouer entre elle et moi ces liens instinctifs, doux et mystérieux, qui attachent l’enfant à sa mère. Ses dons les plus humbles, autrefois dédaignés, me ravissaient. Une pêche aux vives couleurs, qui était là sur la cheminée et dont Julienne m’avait permis de goûter un seul quartier, m’avait remis en mémoire Homère avec l’ambroisie, et le parfum d’une rose sur mon oreiller m’emportait au milieu