Page:Bera - Double Histoire - Histoire d un fait divers.djvu/33

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vailler à la fabrique, et c’est moi qui restai chargée des enfants.

« C’était très-fatigant, car le plus petit demandait toujours à être porté, et cela me pliait le corps, tant il était lourd et moi toute fluette. Je tâchais cependant de leur faire entendre raison ; et puis je les aimais. Quand je les voyais courir après moi, se pendre à ma robe et me tendre leurs petits bras, j’en étais plus que fière ; ça me remuait tout le cœur et je les embrassais à les étouffer. Je ne sais pas pourquoi, monsieur, quand on parle des plaisirs de ce monde, comme on fait tant, on ne parle pas de cette grande joie d’être nécessaire aux autres, de pouvoir donner du bonheur, de l’aide seulement, à de pauvres créatures qui attendent cela de vous, et dont vous êtes l’espoir et comme la providence. Je ne connaissais point alors d’autre plaisir que celui-là, pauvre et abandonnée que j’étais moi-même, et cela me suffisait pour aimer la vie.

« Un beau jour, c’était le dimanche, quand