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quelle qu’elle soit, beurre, lait, ou liqueur spiritueuse du Soma. Or, le feu et l’offrande sont souvent représentés sous les mêmes formes que les éléments mâles et les éléments femelles des phénomènes célestes, et les rapports conçus entre ceux-ci sont également étendus à ceux-là. Mais c’est surtout dans les formules qui décrivent la préparation de l’offrande par excellence, c’est-à-dire du Soma, que l’intention de faire des rites une imitation des phénomènes célestes se trahit avec une entière évidence. Ici c’est le Soma lui-même qui joue le rôle d’élément mâle. En effet, tandis que les offrandes de beurre et de lait, correspondant dans le sacrifice au beurre et au lait des vaches célestes, c’est-à-dire à la lumière de l’aurore et à l’eau de la nuée, et assimilées elles-mêmes à des vaches, sont toujours et uniquement femelles, le Soma ne prend accidentellement le même sexe que par opposition au feu dans lequel il est sacrifié. Par lui-même, ce liquide de couleur d’or, ce breuvage qui réchauffe et brûle le cœur, est un élément mâle comme le feu, avec lequel il offre tant de ressemblance qu’on peut l’appeler un feu liquide. Les femelles sont, tantôt les eaux servant à humecter la plante d’où on l’exprime, et coulant avec lui dans l’opération du pressurage, tantôt le lait auquel on le mêle pour le faire fermenter. Tout un livre du Rig-Veda, le neuvième, est composé d’hymnes où cette préparation du breuvage sacré est mille fois décrite dans des formules qui conviendraient tout aussi bien à la description mythique des phénomènes de l’orage ou du lever du jour.

Il est un autre ordre de femelles que les hymnes mettent en rapport avec le feu, et plus souvent encore avec le breuvage du sacrifice. Je veux parler des prières, ces vaches mugissantes qui appellent leur veau ou lui répondent. Mais ces femelles out aussi leur prototype céleste dans les éclats du tonnerre, considérés comme les mugissements des vaches de l’orage, ou assimilés eux-mêmes à des vaches. La correspondance du rite et du phénomène n’est même nulle part plus évidente que dans les formules qui consacrent la relation des prières avec le feu et le breuvage sacré.

J’ai parlé jusqu’à présent d’une imitation des phénomènes dans le culte. Mais pour rendre la pensée exacte des Aryas védiques, il faut aller plus loin. Les rites sont la reproduction réelle sur la terre des actes qui s’accomplissent dans le ciel. Les éléments du culte ne sont pas de purs symboles des élé-