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signalisée du sacrificateur et de l’instrument du sacrifice. À un autre point de vue, il est souvent aussi très difficile, ou même impossible, dans les formules relatives aux anciens sacrificateurs, de distinguer l’œuvre accomplie par eux dans le ciel de l’œuvre qu’ils ont accomplie sur la terre, les mêmes effets étant attribués à l’une et à l’autre, ou dans celles qui concernent décidément des sacrificateurs célestes, de distinguer les ancêtres divinisés des dieux proprement dits auxquels la même œuvre est maintes fois attribuée.

Le nom de « dieux » vient de se rencontrer pour la première fois dans cette esquisse de la religion védique, et en tant qu’appliqué à des êtres qui sont considérés seulement comme accomplissant dans le ciel une œuvre du même ordre que le sacrifice journellement célébré par les hommes sur la terre. C’est qu’en effet la conception particulière des rapports de la terre et du ciel que j’ai seule analysée jusqu’ici est une conception directement naturaliste, où les éléments mêmes jouent le principal rôle. Les véritables dieux y sont ces éléments, au moins les éléments mâles, c’est-à-dire le soleil, l’éclair, ou mieux encore les diverses formes de élément universel qui porte, comme feu, le nom d’Agni, comme breuvage, celui de Soma, et dont les formes célestes sont le soleil et l’éclair. Agni et Soma sont même tour à tour le dieu unique et omniprésent qui a sur la terre autant de séjours qu’il s’y trouve d’autels et de pressoirs, mais dont tous les séjours terrestres s’opposent ensemble à ses deux principaux séjours célestes, l’atmosphère, théâtre des phénomènes météorologiques, et le ciel proprement dit, théâtre des phénomènes solaires. Aux trois formes d’Agni et de Soma dans ces trois séjours correspondent trois formes de la femelle, qui réunit elle-même les attributs assimilés et confondus des aurores, des eaux, des offrandes et des prières, ou qui représente successivement, mais toujours sous une triple forme, correspondant, au moins en principe, aux trois mondes, ces divers éléments des phénomènes célestes et du sacrifice. Enfin, quand les divisions de l’univers sont multipliées par des procédés de formation mythique que j’ai analysés ailleurs[1] et que j’exposerai plus complètement dans cet ouvrage, les formes de la femelle, comme celles du mâle, se multiplient également de façon à demeurer toujours l’expression, en quelque sorte

  1. Comptes rendus de l’Académie des inscriptions, 1875.