Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/141

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« — La gloire. Je ne me sens pas de force à entrer en lutte contre une telle ennemie.

« — C’est-à-dire ?

« — De deux choses l’une : ou votre sonnet est pour moi, ou il est pour elle. En d’autres termes, et sur la foi même du mystère qu’il chante, mon sonnet, à jamais inédit, n’aura sonné que pour moi, ou, fatalement publié, il volera sur les lèvres des hommes. Point de partage, choisissez ?

« M. Félix Arvers baissa la tête, me prit la main, et, d’une belle ardeur, il fit :

« — C’est dit, madame, il ne sera qu’à vous. Mais à combien de temps fixez-vous l’échéance ? Un mois ?… Deux ?… Trois ?…

« Et, devant la flamme de ses yeux, je crus prudent d’allonger la corde :

— Ah ! donnez-m’en six ?…

« Et comme la diva italienne achevait sa romance, je m’échappai pour courir la complimenter.

« Le jeu ne laissait pas d’être périlleux, et j’eus d’abord quelque souci d’en avoir risqué l’aventure. Le regard brûlant du poète attestait d’un sentiment sérieux, qui menaçait d’être durable et de survivre au semestre d’expérience. J’aurais dû, oui, j’aurais dû exiger l’année en-