Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tout à coup Lutz tomba en arrêt et on l’entendit s’écrier : « Scarabeus mirobolans ! » Sur quoi le coléoptère effrayé s’envola. Par les prés, par les futaies, à travers les fougères, Lutz courait, sautait et trébuchait, sans quitter sa proie des lunettes. Quelle chasse !

Il arriva ainsi au bord d’un étang où Wilfried, le darwiniste, était assis, les pieds dans l’eau, et étudiait les mœurs des libellules, amoureusement.

— Docteur, cria Wilfried, ce scarabée vous a-t-il fait du mal ?

Pour toute réponse, Lutz, entr’ouvrant la boîte de fer blanc qui lui battait sur les reins, montra que le Mirobolans manquait à sa collection. Et il reprit sa chasse autour de l’étang.

Bourdonnant de terreur, éperdu et l’élytre fou, le pauvre scarabée tournoyait sur le miroir et il ne savait plus où il allait. Il entendait autour de lui siffler dans le vent le filet du naturaliste. Hélas, un mur blanc !…

Le mur blanc comme la neige des pôles resplendissait au plein midi. Le scarabée s’y heurta et tomba dans l’herbe. Là, brisé, et reployant ses petites pattes meurtries et ses ailes inutiles, il demeura immobile et le cœur gros, comprenant que sa dernière heure était venue.