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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/281

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Il n’y avait, en effet, rien à craindre. Non seulement Pétrus Lymon, en qui la volonté virtualisait, pour ainsi parler, l’athlétisme, était déterminé à lui conserver la vue, mais il était résolu à bien d’autres choses encore. Il roulait donc ses divers projets dans l’ombre nocturne, au pied du lit de la malade, sous la lampe à demi baissée, lorsque, lentement redressée, Marina, d’une voix étouffée par les compresses, murmura distinctement :

— Un miroir.

C’était son premier mot. Il signait la femme, certes, et toutes les femmes, mais il terrifia le sculpteur plus que ne l’avaient fait toutes ses clameurs de brûlée vive. Se voir, elle voulait se voir, ah ! mon Dieu, dans l’état de défiguration où le corrosif l’avait mise ! Qu’allait-il faire ? Comment parer à cette curiosité dont l’effet allait être épouvantable ? Quel prétexte, quelle défaite, plus claire encore que le refus pour elle ? Un miroir à la Vénus vitriolée !…

— Le médecin ne te le permet pas encore, ma chérie. Pas d’imprudences. Non.

— Mais j’y vois, insistait-elle, en écartant le bandage, je t’assure que j’y vois. C’est un peu confus encore, mais je te distingue très