Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/433

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ges, sépare le mariage civil du mariage religieux, crée aux jeunes couples investis de leurs droits naturels une situation assez étrange, et dont un auteur comique tirerait une jolie pièce. Je m’y suis moi-même essayé quinze ans plus tard, dans une bouffonnerie représentée au Palais-Royal, et qui, malgré la collaboration d’Edmond Gondinet, y eut un sort précaire. Il en eût été autrement peut-être si je m’étais mieux inspiré de ma propre expérience, comme aussi des développements que les tantes Zoé et Émilie se plurent à apporter au thème. Ils étaient même trop ingénieux pour elles, et j’ai toujours soupçonné l’auteur du Tricorne enchanté, bastonnade mêlée d’un couplet, d’avoir, pour la sortie, été dans la coulisse.

— Il va être minuit, me dit-il en me reconduisant à la porte, et les convenances exigent que tu rentres chez toi. Nous te garderons sévèrement ta femme jusqu’à demain. De ton côté, évite les dangereuses rencontres et file les yeux baissés le long des maisons closes. Si, par hasard, tu ne pouvais pas dormir, crois-moi, fais-lui des vers, elle les adore, et je te les corrigerai !… Bonne nuit, mon gendre.

Le lendemain, tout ce que Paris comptait d’illustre dans les arts et les lettres débordait en cohue autour de l’église Saint-Pierre de Neuilly, qui, à dix heures, était déjà pleine. Si Théophile Gautier était universellement admiré, il était encore plus aimé, et, si excentrique que fût la rue de Longchamp, le boulevard s’y prolongeait quand il s’y passait un événement intéressant le bon et grand Théo.

De la cérémonie religieuse je n’ai rien à conter, sinon que Faure vint de lui-même y chanter, accompagné par l’excellent musicien Lafitte, organiste de