Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/97

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Chantecler ?

— Eh bien ?

— Tu ne joues pas ton rôle.

— Ah ! Et pourquoi ?

— Parce que tu en es incapable. Le coq perche !… Tu ne peux pas percher.

Et c’était déjà vrai en 1864, temps d’aurore, où, son brevet radieux de sociétaire à la main, le jeune pâtissier de Boulogne coquelinait, selon son nom prédestiné, les grands textes du répertoire. Il venait de s’emparer, après Regnier, son maître et son chef d’emploi, de ce rôle de Figaro du Mariage qui est la pierre angulaire des grands comiques de style, et il y avait décroché la timbale d’or. Dans le fameux monologue qui dispute à celui d’Hamlet la palme de la philosophie au théâtre, il avait déjà affirmé cette autorité où se signe la maîtrise.

— Vous y mettez toute la Révolution, lui avait dit l’un de ces vieux abonnés qui faisaient du foyer des artistes le plus charmant des salons académiques.

— Elle y est, avait lancé le coq déjà solide sur ses ergots démocratiques.

C’était sur son invitation que je m’étais rendu chez lui, et dans sa lettre, que j’ai encore, j’avais cru deviner qu’il s’agissait de quelque comédie à composer pour son usage. Je ne me trompais pas. Dès la connaissance faite, il me demanda, en effet, si je n’avais pas dans mes tiroirs un acte en vers bon à jouer dans les salons. Qu’il lève la main et se fasse connaître, le poète de vingt ans qui a autre chose que des vers dans ses tiroirs ! De telle sorte que nous nous accordâmes tout de suite. Le soir même, je lui portais l’objet dans sa loge.