Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/100

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pense à la valeur qu’ont prise aujourd’hui tous ces « numéros », comme on dit au Drouot, qu’on pouvait avoir alors pour deux ou trois cents francs dans les bureaux de La Vie Moderne, je ne puis m’empêcher de trouver que Forain avait tort lorsqu’il appelait, si drôlement du reste, notre coopérative : Les Folies Bergerat.

Je crois en outre que mes petits salons autonomes, auxquels les boulevards faisaient fête, ont créé la salle des dépêches, usuelle à présent, que tous les journaux ouvrent au bas de leurs immeubles ronflants.

Il me souvient que j’avais préposé à la surveillance de la nôtre un brave garçon, ex-sous-off retiré de service, et sans place, qui était le beau-frère morganatique, en ce temps-là du moins, d’Armand Silvestre. Je l’avais pris de sa main gauche, et grâce à la chance qui me suivait partout, je m’étais enrichi de la sorte d’un véritable chien de garde, d’un dévouement absolu et d’une force herculéenne. Il s’appelait Gonry. J’ignore ce qu’il est devenu, mais j’en souhaite de tels au Musée du Louvre pour les Jocondes. Nul œil ne darde, plus sagace, sur des amateurs de peinture. Nulle basse profonde ne jette à leurs cohues un « circulez » plus déterminé. Renoir ne se lassait pas de l’entendre devant ses toiles, que Gonry laissait à peine voir aux curieux. Circulez, allons oust, plus vite que ça ! — Quelle réclame, médisait l’artiste, c’est comme pour Meissonier au Salon ! Il y en a déjà qui parlent à voix basse !

Quant au petit bossu de ma rue Quincampoix, id est le caissier chargé de recevoir les abonnements respectueux, il occupait l’arrière-boutique donnant