Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/103

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Dans les cas de récalcitrance et de litanies de gueule, il tirait son petit maroquin armorié et jetait sur la tablette sa carte de bourbonien :

« Capece Minutolo di San Valentino ».

— À vos ordres, signor abonné.

Parfois le vieux Prinsler que j’avais gardé par égard pour M. Mercier et à sa prière, jugeait sage d’intervenir, étant peu façonné par ses études précédentes à cette manière artistique de traiter la clientèle. Mais, outre qu’il ne pouvait pas le sentir, le duc-comptable n’admettait pas l’ingérence déplacée du subalterne. J’entendais tout à coup, de mon cabinet directorial, des bruits de rixe et d’invectives qui ne me laissaient aucun doute sur leur antagonisme dans l’entente de l’achalandage. Je descendais quatre à quatre, et tête nue, l’escalier serpentueux, et je tombais dans une séance, publique, hélas, de pure boxe italo-champenoise, dont Gonry l’herculéen avait autant de mal à séparer les pugilistes qu’à écarter les spectateurs.

Le jeu de l’abonnement à La Vie Moderne était célèbre sur les boulevards. Je jure que je n’en avais pas prévu la réclame, malgré la rumeur que cet animal de Forain en propageait dans les ateliers. Non, il n’était pas de mon programme coopératif et pas cher d’attirer de la sorte les amateurs de papier illustré ; et mon noble cousin le prenait sur lui de leur jeter ainsi le caleçon rouge de « l’abonnement poli » à la tête.

Quant à l’administrateur, il la trouvait « très bonne ». Zizi, quoique devenu par ordre du destin, l’éditeur du naturalisme dont le cri n’est pas gai, était resté dilettante et expert des choses de la fa-