Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/240

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d’autre. On y passait d’un sujet à un autre sujet par un système de rapprochement d’idées ou de mots, emprunté à l’art oratoire, où consistait la virtuosité. On y enchaînait les événements divers de la semaine et on pimentait l’olla podrida par une anecdote, dite : nouvelle à la main, plus ou moins originale dont les recueils d’anas faisaient les frais séculaires. La gloire d’Aurélien Scholl lui vint d’inventer les siennes.

Cette chronique à bâtons rompus était celle d’Auguste Villemot, à qui on attribuait la maîtrise du genre. Elle n’est plus guère pratiquée aujourd’hui que par l’excellent Jules Claretie, demeuré contemporain de la manière et qui en tire encore des effets fort agréables.

Avec les cinq maréchaux, puisque maréchaux il y a, la Chronique parisienne prit une tournure plus didactique.

Ses trois cents lignes s’étalèrent sur un seul thème choisi, que l’on vida de fond en comble, presque sans digressions, et dont on épuisa la teneur. On traitait déjà l’actualité comme de l’histoire. On exécuta le morceau à manches retroussées, et il y eut littérature.

J’entends encore Francis Magnard, au Figaro, me dire en prenant ma copie, avec son urbanité narquoise :

— Ah ! vous nous apportez une page !

— J’en ai l’espoir plus que la prétention, lui répondais-je, et, de fait, je visais plus au livre qu’au journal.

Il m’est quelquefois arrivé d’atteindre l’un par l’autre, soit la page dans la feuille volante, à dire d’éditeurs, sauf respect, et même aubaine advint à mes camarades de bâton.