Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/54

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nous visitions Harlem. Le nom d’Ostade prononcé par hasard éclaira notre mémoire. À trois cents ans de distance nous avions sous les yeux les modèles des fonds de tableaux d’Ostade et aussi de ceux de Brauwer, qui fut son camarade d’atelier chez Frans Hals. Les ressemblances sont encore frappantes, et si Ostade, Brauwer ou Béga revenaient à Harlem, ils n’y trouveraient pas une tuile de changée. La sincérité de ces naturalistes est désormais pour nous un fait acquis.

Le visiteur qui, après avoir suivi la Jans-Straat, rue principale de la ville, débouche inopinément sur le Groote-Markt, est d’abord saisi par l’aspect pittoresque de cette grande place. Il n’en est pas de plus décorative, et l’art des Rubé et des Cambon en tirerait certainement un grand parti. La disposition est celle que l’on rêve pour un final, de grand opéra, par exemple, et la couleur est extraordinaire. Trois édifices attirent d’abord l’attention, une église, une statue, et une maison. L’église est celle de Saint-Bavon, célèbre par ses orgues, qui sont riches de cinq mille tuyaux et atteignent à la limite de son perceptible à l’oreille humaine. Les orages que l’organiste y exécute font encore courir les touristes anglais. Nous y échappâmes. La vieille basilique est du quinzième siècle, sa base est obstruée par des substructions fort intéressantes pour l’histoire de Frans Hals ; j’y reviendrai plus loin. La maison est une ancienne boucherie, de l’architecture la plus extravagante que l’on puisse imaginer, et qui mêle le goût espagnol au style indien. Harlem paraît affectionner les productions de cet art exorbitant, car elle a encore une église du même caractère, et dont le