Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/96

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concevais pas sans horreur ce monstre : l’abonné qui ne se respecte pas, je m’enquis auprès des spécialistes du politicien disponible qui pourrait, dans les données de désintéressement voulu, coopérer à notre essai sociologique. Les mieux informés ne purent que me rire au nez. Une influence politique gratuite, cela ne se trouve pas en République d’affaires, même pour percer des isthmes à Suez ou à Panama, et nous étions à l’aurore, voilée encore, mais déjà perceptible, du Wilsonnat. J’eus un instant l’idée de m’adresser à Jules Grévy lui-même qui, logé, nourri, chauffé et blanchi, ne devait pas avoir besoin d’en ajouter à son règne. Maubant qui le gagnait tout le temps au billard, avant son couronnement, n’eût pas refusé de me présenter, après, car Maubant aimait le grand art. C’était l’affaire d’une tournée au Café de la Régence.

L’administrateur me dissuada de la démarche. Il n’avait pas confiance à ce gouvernement. Il en voulait un plus sûr et qui durât au moins autant que notre papier. Je n’allai donc pas à l’Élysée. Mais où aller ?

Ce fut sur ces entrefaites que les maîtres de l’Olympe, pitoyables à mon désarroi, me mirent en présence d’Edmond Turquet et, cela, dans l’atelier propice du peintre Georges Haquette, son propre beau-frère. Je vous dis que tout vient des dieux. Edmond Turquet, député de l’Aisne, traversait alors cette crise psychologique où l’on ne dort plus de ne pas être surintendant des Beaux-Arts et de ne pas protéger, à la Louis-Quatorze, tous ces pauvres gueux de l’Idée, du Son, de la Forme et de la Couleur où la société recrute son gibier d’hôpital. Il