Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/140

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sur les années d’apprentissage. On sait de quelles douceurs elles sont pleines. Une partie s’écoule dans l’exil et l’autre dans les révolutions. Vous êtes tranquillement en train de téter votre nourrice, lorsque tout à coup les vitres de la nursery volent en éclats. On vous roule dans une couverture de laine et l’on vous emporte, par la nuit noire, à travers des sierras beaucoup plus nevadas que la cantatrice du même nom.

« Vous vous réveillez dans une ville inconnue, parmi des gens qui baragouinent un langage composé de sonorités étrangères, et là vous recevez l’aumône. Un jour, un monsieur grave et cravaté de blanc se présente de la part de trente-sept compatriotes et, de but en blanc, se met à vous enseigner l’art d’accommoder les restes des vieux principes et celui d’élever des lapins qui fuient comme des lièvres et qu’il qualifie de fidèles sujets !

« Enfin, un beau matin, on vient vous chercher. Le bruit s’étant répandu que vous montiez assez proprement à cheval, on vous juge mûr pour l’entrée triomphale dans votre bonne ville. On s’y égorge depuis quinze jours, entre fidèles lapins des principes nouveaux. Mais ça ne fait rien, du moins le vieux monsieur l’affirme. Votre premier soin est de faire remettre les vitres de la nursery, brisées il y a vingt-cinq ans. Huit jours après, elles jonchent le plancher de leur poudre micateuse. À cheval, mon garçon, et au pays d’escampativos, par delà les monts. Ah ! si j’étais le Roy d’Espagne ! Et ça ne fait que commencer.

« Vous arrivez dans un pays prospère et tranquille comme Baptiste, précisément parce qu’il n’a pas de