Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/276

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Ponte-Novo ne se trouve pas sur la route de la Castagniccia, mais bien sur celle de Bastia, la route des professeurs. Ce village est au bord du Golo, dans une plaine marécageuse, qui paraît, avoir été et sera encore, s’il y a lieu, le champ de bataille ordinaire de la Corse. Une citadelle, convertie en gendarmerie, commande le pont (que de ponts !) à cinq arches de la possession duquel dépend le sort des trois villes Ajaccio, Corte, Bastia, et par conséquent la prise de l’île. C’est donc à Ponte-Novo que bat le pouls politique de la Corse. Il n’y a rien à en dire davantage.

Les pauvres Corses y furent battus le 9 mai de l’an 1769 par le comte de Vaux, qui les mit en déroute, et de ce jour date le bonheur qu’ils ont de ne plus être Génois. La bataille de Ponte-Novo a naturalisé Bonaparte, lequel, sans la défaite de Paoli, n’aurait peut-être jamais été empereur des Français. Il vint au monde, en effet, le 15 août de la même année, soit quatre-vingt-seize jours après la tuerie qui nous le donna, hélas ! pour d’autres tueries plus affreuses encore. « Pauvres mères ! »

À présent, tenons-nous bien, et pas d’étourdissements ! Hurrah ! au grandissime galop, que dis-je, à tour de bras, nous descendons par une rampe en tire-bouchon dans la contrée de l’arbre à pain corse, la célèbre Castagniccia !

Les frondaisons s’épaississent, les faîtes se rapprochent et se nouent en dômes, le jour se tamise, une fraîcheur exquise nous baigne, et de tous côtés des susurrements de sources, des babils de chutes d’eau s’unissent au brouhaha de la forêt et au tumulte doux des branchages.