Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/284

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l’emplacement. Ils en reviennent avec des fleurs latines aux lèvres et un peu déçus.

Comme ils ont également fait pèlerinage, un jour avant, aux ruines d’Aléria, autre colonie romaine fondée par Sylla, et dont il ne reste que… le souvenir, ils établissent, au retour, de beaux parallèles entre les fondateurs, et leur conversation est tout à fait instructive.

Notre ami Vincent Bonnaud ne se donne pas tant de mal pour rivaliser avec Fénelon et Montesquieu dans ces exercices littéraires. Il déclare carrément que, pour lui, Marius et Sylla étaient des Corses !

Et comme nous nous récrions timidement contre cette opinion effroyable et d’une partialité révoltante :

« Leur histoire le prouve ! déclare-t-il. Ce n’est qu’une longue vendetta romaine, leur histoire ! Je vous défie de dire non ! Lisez Tite-Live ! »

Et nous voilà collés, car il a raison. L’inimitié de Marius et de Sylla devait faire quelque chose en Corse ! Elle a fait Aléria et Mariana.

Mariana cependant ne pouvait nous laisser froid, à cause de la très jolie église qui s’y est conservée et qu’on appelle la Canonica. C’est une des plus précieuses pièces d’art de la Corse.

Je ne suis pas assez bon architecte pour vous la décrire techniquement, mais la Canonica m’a paru être du onzième siècle et relever du style byzantin. Elle a une triple nef soutenue par des colonnes doriques ; mais les chapelles sont gothiques, assurément, et la façade, ornée de chasses et de griffons, est pisane. Voilà. Je ne vous en dirai pas davantage, et pour cause, sur cette cathédrale des marécages.