Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/119

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doüin était contigu à la fontaine, c’était lui qui était réveillé le premier par le bruit des seaux et le chant de la pompe.

— Voilà les maçons et le boucan ! s’écriait-il en ouvrant sa lucarne, parions qu’ils vont se chamailler sur les pommes de terre.

La dispute des « maçons d’art » au sujet du tubercule était, en effet, immémoriale. Elle avait suscité entre Aristide Croisy, qui les adorait, et Étienne Leroux, qui ne pouvait pas les souffrir, une animosité qui menaçait de tourner à la haine. Ils ne pouvaient se parler d’autre chose, et, dès qu’ils s’abordaient, ils reprenaient glaive et bouclier.

— Ah ! ah ! voici monsieur Croisy, ricanait Étienne, qui vient chercher de quoi cuisiner son pain à cochons.

— Oui, et monsieur Leroux, sifflait Aristide, pour liquéfier ses féculents harmonieux de joueur de flûte !

— Ceux qui n’aiment pas les haricots sont des imbéciles. Voilà.

— On reconnaît les canailles à ce simple signe qu’ils ont horreur de la pomme de terre. Un point, c’est tout.

Alors, sur le seuil de sa porte, apparaissait Fritz Kæmmerer, Hollandais flegmatique, à qui la querelle sonnait, comme une horloge, l’heure de la première cigarette.

— Du reste… Après toi, de l’eau, s’il en reste ?

— Du reste quoi ?

— Du reste, dis-je, il suffit de savoir lire un peu l’histoire pour comprendre le rôle infâme de Parmentier dans la Révolution et, par conséquent, dans la mort de Louis XVI.