Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/262

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Mais, sur le territoire de Montreuil, mon itinéraire oscilla, et, à Bagnolet, ça n’allait plus du tout. Je ruisselais dans la campagne obscure.

En sus, si mon chapeau de javelles tressées tenait bon, mes souliers jetaient leur dernier cri dans la boue. Un bout de ficelle providentiellement trouvé sur une ronce me permit de les attacher à ma personne. Ils me furent fidèles jusqu’à Romainville, où je pus les soutenir de sabots, obtenus à prix d’argent de la pitié soupçonneuse d’un épicier.

M’arrêter à Romainville, tout m’y engageait, et la pluie, et la nuit, et la gloire de Paul de Kock, son chantre. Mais, par un de ces caprices qu’il est impossible d’expliquer à ceux qui n’ont pas la superstition professionnelle des noms, je m’étais juré de ne coucher qu’à Noisy-le-Sec. Oui, à Noisy-le-Sec seulement, car il pleuvait trop, et l’honneur est de faire face aux divinités infernales.

Je me remis donc en route, avec mes sabots de maraîcher, par la nuit noire. À Noisy-le-Sec, d’ailleurs, le chemin de fer de l’Est passait, et il menait, ce chemin de fer de l’Est, à La Ferté-sous-Jouarre, où est Rosebois, la maison bénie de la maman Glaize.

À un carrefour où trois voies se croisaient, il y avait une cahute en bois, que je pris pour une maison roulante de berger, et comme je ne savais laquelle des trois voies j’avais à suivre, je m’approchai de la guérite et m’en enquis auprès du pastour qui s’y abritait.

— Pardon, suis-je bien dans la direction de Noisy ?

Et une voix rauque, du fond de la guérite, fit :

Ya !