Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/303

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— Tout s’explique, fit-il, c’est un chemin de fer d’étudiants.

Fort malade déjà et attaqué aux sources vives par l’affamement du Siège et la ruine de ses espérances sénatoriales et académiques, Théophile Gautier ne se ranimait plus guère qu’au grand air des déplacements. La moindre excursion ravivait en lui le causeur sans pareil dont, seule, la préface de Mademoiselle de Maupin donne une idée approximative. N’allât-il qu’à Saint-Gratien voir la princesse Mathilde, ses vingt ans lui remontaient aux lèvres. Il reprenait le gilet rouge d’Hernani. Il l’eut pour moi pendant ce « voyage en Hurepoix » et aucune tristesse n’a effacé de mon âme le souvenir, doublement cher, de cette première rencontre.

À la gare d’Orsay, lorsqu’il apprit qu’il fallait achever la route en diligence, sa bonne joie d’enfant ne connut plus de bornes.

— En diligence ! Sang et tonnerre ! Il y a plus de trente ans que je rêve ça, aller en diligence. Je me ferais brigand de grand chemin pour en arrêter une et monter dedans ! Vite, où est-elle ? Une diligence, et en Hurepoix encore !

Car décidément ce nom de Hurepoix le ravissait. Nous eûmes toutes les peines du monde à l’empêcher de se hisser à la bâche, comme un jeune homme, et sa fille seule obtint qu’il se résignât au coupé, conformément à son âge et à ses infirmités.

Le second témoin de Zizi était Pierre Lanfrey, rédacteur politique de la Revue Nationale, et Savoyard, je crois, d’origine. C’était un petit homme roux, froid comme un glaçon, et qui tenait à la fois du directeur protestant et de l’intendant de grande