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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/418

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ville, que Pétronille, de retour, attribuait follement à Lamartine. Le rôle de Durandal, parapluie désemparé, passait au premier plan par un hymne pindarique, débité comme un couplet de facture par tous les personnages, et jamais ode ne fut plus intempestive. Je dus me reconnaître incapable de suivre le poète dans cette chevauchée d’un Pégase sans brides, et notre collaboration fut abandonnée.

Elle devait se renouer deux ans plus tard pour un ouvrage qui a été le premier essai de « théâtre libre » sur la scène française et qui avait pour titre Ange Bosani. J’en conterai l’aventure au moment venu. Ange Bosani fut représenté au Vaudeville en 1873, sous la direction de Léon Carvalho.

Ce fut au sujet du Premier Amant que Théophile Gautier me prit pour confident d’un rêve qu’il caressait depuis longtemps, et qui était de collaborer incognito à une pièce moderne, dite pièce en habit noir.

— Je voudrais, me dit-il, en être pour une scène ou deux, sous le masque, afin d’étonner Dumas et Augier à la première. On ne me connaît pas, je suis un réaliste dans mon genre. Mais personne ne lit ou ne sait lire !

Je fis part à Armand Silvestre du caprice bizarre du maître, et tout de suite nous courûmes lui exposer le sujet du Premier Amant et lui lire ce que nous en avions écrit. Il écouta avec soin l’histoire de Durand, Durandot, Durantin et Durandal, et quand ce fut fini :

— Ce n’est pas plus bête, fit-il, que tout ce qu’on fait, et l’hymne au parapluie me ravit. Mais votre erreur est en ceci que le thème appelle une exécution