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III

LA DAME AUX YEUX DE VIOLETTE


Vous ai-je dit — j’ai dû vous le dire — que chez le poète, à Neuilly, l’épithète homérique, ou plutôt anthologique, de Carlotta Grisi était : « la dame aux yeux de violette ». J’ai pu juger de son exactitude, car, seuls les yeux ne changent pas et, tels la vie les a ouverts, tels la mort les ferme à la lumière. Au temps où je l’ai connue, petite vieille à la chevelure de ouate, pareille à une houpette à poudre d’iris, elle réalisait encore la métaphore et c’était la fleur de mars qui jetait dans l’ombre des cils sa douce lueur de sous-bois. Du reste son teint était resté celui de la jeune fille. Je ne me lassais pas d’en admirer le délicieux pastel, invulnérable à la corrosion de l’âge, et d’une transparence de rose thé. À l’attrait de cette carnation virginale s’ajoutait la grâce parallèle d’une démarche à la fois légère et ferme, d’oiseau ou de sylphide, où l’on sentait les ailes repliées. L’exercice chorégraphique développe chez les dan-