Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/164

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bruit de papiers que font nos gloires parisiennes. Il ne les récusait pas plus qu’il n’y obtempérait. Il ne démarrait pas de son sempiternel : Oui, oui, oui, moulu par le ressort double de ses pouces en virevolte.

Clovis Hugues ne se rendait pas au pyrrhonisme, feint selon lui, de cette implacable bienveillance. — J’ai été curé comme lui, me disait-il, je m’y connais. Sa poche à fiel est crevée, soit, mais il en reste toujours dans l’organisme clérical. Parions que j’obtiens de lui un petit abattage. — De qui ? — Tu vas voir.

— Et, s’approchant du cinquième Évangéliste : — Cher maître, pour un drame en vers que je manigance, je m’éclaire à fond sur la figure noirement ténébreuse de l’Iscariote. J’incline à le réhabiliter. Que dois-je faire ? c’est à vous que je demande. — Oui, oui, oui… Je vous remercie, M. Hugues. — Dites-le-moi, peut-on s’atteler à la mémoire de l’homme aux trente deniers ? — On peut tout et on ne sait rien, nous sommes faibles et forts à la fois, oui, oui. — Mais votre idée, à vous, sur la trahison de Judas ? — Eh bien ! si vous y tenez, le denier équivalait, sous Hérode, au douzième de notre sou français. Le malheureux disciple aurait donc vendu son maître pour deux sous et demi ? C’est une somme bien petite pour un si grand crime, oui, oui, oui, même en Judée, déjà !

Et le bon Clovis était béjaune.

Moins évasive en Théodore de Banville, la clémence universelle résultait plutôt d’un tempérament bénévole que d’un scepticisme acquis et avisé. Lyrique de la tête aux pieds, nuit et jour, partout et jamais autrement, le poète des Exilés se maintenait de lui-