Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/182

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m’enfuir riche. L’or invisible bruit et jette des cris d’additions sous son crayon-plume. Quel calme ! Je résiste, à regret, à la tentation meurtrière et je traverse l’antichambre sans que ce caissier ait même levé le nez, hors de son rêve. — À la salle suivante, un jeune homme vient à moi, souriant et amène. — Vous désirez, monsieur ?

Et sans attendre ma réponse qu’il croit lire à mon regard circulaire : — Oui, c’est un joli Diaz. Mais, quoique de la bonne époque, il n’est pas de la première qualité. Nous pouvons vous en montrer de plus intéressants, si vous voulez prendre la peine… — Merci, non. — Alors ce Jules Dupré, un maître qui monte de jour en jour, a la cote. C’est un rare et après sa mort… nous croyons le placement sûr. — Si vous voulez me le donner, dis-je, je vous le revendrai avec plaisir.

Le jeune achalandeur me regarde, perplexe, et il reprend d’une voix de sirène :

— Je n’ai pas à apprendre à un amateur tel que vous paraissez l’être, que tous les Théodore Rousseau connus ou à connaître sont ici, et que notre maison les monopolise. Nous en avons de tous les prix, depuis dix mille seulement jusqu’à trois cent mille. — Je préférerais ceux de trois cent mille, fais-je, au nombre de plusieurs s’il était possible. — Ah ? — Et son incertitude s’exprime par ce cillement caractéristique qu’aucun peintre n’a pu jamais rendre même chez les Jocondes. — C’est pour l’étranger ? demande-t-il ? — Non, c’est pour Villiers-sur-Marne. — Votre honneur a là sa galerie sans doute ? — Provisoirement, j’espère, dans un ajoupa construit par Charles Garnier pour des vers à soie. Trois ou quatre