Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/190

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étant le gage du bonheur des lares et la gaieté des jardins.

En dépit d’erreurs légères, telles que celle des deux Ostade, mes catalogues plaisaient assez à la clientèle et l’excellent Francis Petit ne m’en laissait pas chômer, de connivence en cela avec Charles Pillet qui me trouvait le style peintre et goûtait mon art bonimentaire.

N’est-il pas curieux que les dieux s’amusent à dévoyer eux-mêmes de sa carrière toute droite, l’homme le plus manifestement doué pour la courir ? Si jamais caboche fut par eux modelée pour le concept scénique et ingéniée pour les arts du dialogue, c’était bien, je pense cet enfant de Paris qu’ils avaient conduit par la main, à dix-neuf ans, au plus grand tripot comique de Cabotinville. Il n’avait qu’à suivre pourtant et à marcher, à travers les péripéties ordinaires de la vie théâtrale, et trempé d’ailleurs — il l’a prouvé peut-être — pour y faire bon visage. Mais dans les libations de l’un de ces festins où Bacchus se gaudit à saouler les Muses, elles avaient brouillé les cartes et m’avaient jeté le sort de la critique d’art et des catalogues. — Tu gagneras ta vie en la perdant, me criaient Thalie et Melpomène. Fallait-il qu’elles fussent pompettes.

En général c’était chez Francis Petit, rue Saint-Georges dans le sous-sol de ses magasins, que j’élaborais les inventaires raisonnés qui gênaient, en le délectant, Charles Pillet en ses ventes. On me faisait défiler devant le binocle, sur un chevalet, les pièces de la collection et par transposition d’art, je les dessinais littérairement à la plume sur des feuilles qui volent encore. La copie ressemblait plus ou moins à