Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/68

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ce banc d’herbe où les écureuils nous lapidaient de pommes de pins.

Elle s’était mariée, à contre gré des siens, avec un Limousin nommé Peyrot, maître maçon de son état, qui était un homme magnifique, d’une stature de tambour-major et fort à l’avenant. Sur l’échelle, il tenait, paraît-il, l’auge à mortier, pleine, de la main gauche, sur trois doigts, et ne la déposait que vide et ciment usé. Ce colosse adorait cette pouponne qu’il eût brisée comme une figurine de saxe entre le pouce et l’index, et c’était elle qui le menait en laisse. Il était d’ailleurs plus qu’à l’aise, ayant, dans l’entreprise, gagné, quartier Gaillon, des sommes relativement importantes.

Or le malheureux avait le goût de boire, et s’il était parvenu à le dompter pendant la lune de miel, tous ses efforts échouèrent à la naissance de l’enfant que lui fleurit son amour. Et comme il prenait le chemin de célébrer cette naissance tout le reste de sa vie, le verre au poing, la jeune mère y mit ordre tout de suite en retournant chez ses père et mère, à Limours, avec sa fillette. Inutile de vous dire si le pauvre géant y courut dans les bottes de sept lieues. Après une tripotée administrée par elle et par lui béatement reçue, comme il sied entre Hercule et Déjanire, il la ramena dans ses aîtres maçonniques, et resta six jours sans boire. Le septième était un dimanche, jour de Grégoire, dit le Caveau, vieille société œnophile française à laquelle il était affilié. Il y rima abondamment et de coupe en bouteille, si bien qu’à sa rentrée au foyer conjugal, il n’y retrouva ni femme ni fille. Hélas, grand-père !…

Mais cette fois c’était à jamais ou pour toujours,