Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/106

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Et feuilletant négligemment le registre :

— Je n’y vois pas de Bassompierre. Est-ce que la famille est éteinte ?

C’était le temps où Alphonse Daudet composait Les Rois en exil, et l’on sait que, pour ses romans, il ne négligeait aucune notation, dût-elle ne pas lui servir. Attentif à ce que Charpentier lui avait conté de notre comptable extraordinaire, il ne résista pas à l’intérêt que le type offrait à sa recherche. Nous étions prévenus de sa visite et nous attendions au haut de l’escalier la scène, apprêtée d’avance, de l’abonné naturaliste.

— C’est-il par ici qu’on s’abonne ?

Le carreau vissé dans l’œil, la voix traînante, et poussant du coude les flâneurs du hall, l’auteur de Tartarin s’avançait en tricotant des jambes vers le bureau où trônait, entre ses papiers méthodiquement rangés, notre comptable d’opérette.

— Le collecteur ?

— Quoi ?

— Eh bien, celui qui fait la collecte, quoi ? Vous ne parlez donc pas français, citoyen ?

— Je le parle assez pour vous dire que le mot dont vous vous servez ne s’applique poliment qu’aux égouts ou aux impôts ; il n’y a de collecteurs ici que ceux qui gardent leurs chapeaux sur la tête en parlant aux gens comme il faut. Quant à : citoyen, citoyen vous-même, nous n’avons pas gardé les députés ensemble.

Daudet, comme Théophile Gautier, adorait les belles engueulades. Il se recueillit un instant pour savourer celle du gentilhomme.

— Tu es un frangin, reprit-il en lui tendant les