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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/191

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Le prix de Rome lui avait échappé, fort injustement, au concours d’École, et comme je m’étais élevé, dans l’Officiel, contre cette iniquité du jury, il m’en avait gardé, sans me connaître, une durable gratitude. Mais d’après la solennité du journal où j’avais rompu la lance en son honneur, il me croyait aussi ancien et vétuste que son grand-père. — Comment, c’est vous qui êtes le critique qui… ? — Oui, c’est moi qui suis le critique qui… ! avais-je ri, et nous nous étions serré les mains. Si j’étais son aîné ce n’était que de trois ans à peine, nous nous liâmes donc tout de suite, et sous les auspices de Paul Arène, pour qui les bons pactes d’amitié ne se scellaient qu’au choc des verres, nous allâmes faire des libations grecques à la nôtre. On se tutoyait en se quittant comme Castor et Pollux.

De telle sorte que, lorsque, dans l’atelier de Sarah Bernhardt dont il terminait le portrait, il m’annonça son voyage à Londres, Bastien me proposa de l’accompagner en camarade. — Tu dois savoir l’anglais, toi, un écrivain ! Viens donc. — Je ne sais pas l’anglais, avais-je objecté, je ne sais que le shakespeare, et je parle un peu le byron, qui se rapprochent de l’idiome anglo-saxon, mais de Nittis est là-bas en ce moment, pour une exposition de ses toiles, et comme il est napolitain, il nous servira d’interprète. — Comment ? — Les Napolitains sont partout chez eux d’abord, et puis le macaroni !… — Quoi, le macaroni ? — C’est de lui que vient le terme de : langue macaronique. On n’a plus qu’à faire les gestes. Je te suis chez le prince de Galles. Quand pars-tu ?

Il n’en savait rien encore. Il hésitait, malgré les instances de Sarah, à se mettre si vite en route. Si