Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/227

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faire de son vivant, pourquoi, dis-je, opter pour l’Angleterre ? Assurément il y a des cas où la terre natale vous dit si clairement et vous répète si souvent qu’elle ne veut ni de votre talent ni de votre gloire qu’on est excusable en somme d’émigrer sous un ciel plus favorable. L’héroïsme de rester de son pays dépasse parfois la mesure des caractères et il sonne des heures dures où la fierté de regarder la colonne subit, comme toute autre fierté, son éclipse, fort douloureuse. Pour les faibles, la moyenne, surtout chez les artistes, l’espoir des revanches posthumes et par conséquent un peu tardives qu’assure la postérité ne pèse pas toujours dans la balance le poids des contributions, par exemple, dont le premier crédit s’impose. Mais en général, c’est à Paris que les impatients internationaux viennent, de préférence, demander l’équilibre des plateaux et placer leur génie à fonds perdu. Notre douce France a ce privilège. Comme je le faisais timidement, sur le pas de porte, observer au peintre errant : — Oui, fit-il, mais en France, il ne faut pas être Français pour réussir.

Comme à la suite des autres visites et selon l’hygiène esthétique qui m’est propre, nous avons terminé notre journée, ma dernière à Londres, par le dégrouillement des méninges que procure une soirée bêtement perdue. Ce fut à un établissement assez hybride où tous les plaisirs se mêlent comme tous les poissons dans un aquarium. Il en arbore le nom du reste.

L’Aquarium donc réunit sous un seul dôme métallique les joies à la fois confuses et distinctes d’un bazar, d’un café-bar, d’un cirque, d’un concert, d’un théâtre, d’un harem volant et d’une plazza de tau-