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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/326

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VI

NÉOLOGISMES


Non omnis moriar, et voici pourquoi. Deux choses dans l’art des lettres assurent à l’artiste la pérennité : la création d’un type et celle d’un mot. La seconde est certainement la plus rare mais peut-être la plus sûre. L’écrivain qui ajoute un vocable au lexique de la langue natale, a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent, si l’usage l’adopte, d’imposer son nom aux philologues. Mais il faut la circonstance et le don du verbe. Or, il m’a été donné de lancer trois néologismes dont deux ont pris cours et le troisième a fait une fortune immense.

Si je touchais un centime à la Société des Gens de Lettres sur le droit d’emploi du mot tripatouillage et ses dérivés, j’en rendrais déjà pour un milliard à M. Rockefeller lui-même. Mais le domaine public n’a pas attendu pour me dépouiller de ce revenu les misérables cinquante ans qu’il lâche à la propriété littéraire, et mourrai pauvre, — reste la gloire.