Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de retrouver ici la petite page chorégraphique où le scalpé de l’Odéon régla la danse de ristourne à ses scalpeurs. La voici sur l’air du tra :

Si la critique dramatique opère à Paris de cent manières, elle ne fonctionne que par trois organes : les lundistes, les lendemaintistes et les soiristes. Ces derniers tiennent la place et fixent le cours du marché. Ils disposent en vérité de moyens d’action d’une force invincible, la calomnie d’abord, l’ignarerie ensuite, et la complicité enfin de la sainte église publique.

Aussi sont-ils excessivement redoutés des auteurs à recette et plus encore des directeurs, qui les accablent de billets de faveur, de confidences de boutique et de menus soins de toute espèce. Les petites acteuses font le reste en pleurant et consolées par leurs mères, femmes sages, doublées de sages-femmes, comme il sied en telle industrie. Sauf exception, par où la règle se confirme, ces calicots en rupture d’aune sont de pauvres ratés du vaudeville, de tristes avortés de la revue de fin d’année, de lamentables fruits secs du coq-à-l’âne. Ils collaborent, douzièmes, à des féeries d’hydrocéphales et si vertigineusement imbéciles que les enfants y attrapent la méningite et s’en flanquent par la fenêtre, avant l’âge, pour en finir avec le théâtre qu’on leur compose.

Tout le peuple cabot, gasconnant et famélique, grouille autour du soireux, car il le faut, sous peine de crever sous les ponts et de rouler, ventre vide et gonflé, à la rivière. Le soireux protège. Il négocie des engagements, organise des tournées départementales, lance des bénéfices, crée des renommées