Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/40

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on en conviendra, était lourdement choisi pour la publication, et l’auteur a dû comprendre que l’apothéose de Rubens faisait tort à sa démonstration. Du reste, il faut bien le dire, c’est lui qui a raison et c’est Rubens qui a tort. Pour quiconque a vu de près les Flamands, les a entendus raisonner et s’est frotté à leurs mœurs, il n’est pas douteux que Rubens ne soit une exception dans l’art national de ce petit peuple. Cet ample génie est frère de Véronèse et du Titien, et si le peintre était né à Venise au lieu d’avoir vécu à Anvers, on n’aurait jamais songé à voir en lui le chef de l’école flamande et son fondateur. Rubens n’a guère de flamand que l’origine.

Dans toutes les villes du monde une décoration de fête est conçue sur un plan identique ; ce sont toujours des bannières, des drapeaux, des cartouches peints en couleurs ardentes, des festons, des astragales et des guirlandes. Ce pavoisement des édifices est partout uniforme, on n’invente plus rien dans cet art. Aussi ce qui constitue l’intérêt d’une kermesse, c’est d’abord le goût décoratif particulier à telle ou telle cité, puis le caractère pittoresque de la foule que cette kermesse fait sortir. Les kermesses deviennent de plus en plus rares, aussi bien dans les Flandres qu’en Hollande ; on tend peu à peu à les supprimer, d’abord parce qu’elles ont beaucoup perdu de leur originalité ethnographique et ensuite parce qu’elles sont le prétexte d’orgies formidables et réputées scandaleuses. Les paysans ont gardé les traditions de Brauwer et de Jan Steen, et quand ils se mettent à boire, ce n’est pas pour rire le moins du monde. La kermesse dans laquelle ils s’abattent dégénère dès le premier soir en tout ce que tu peux