Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/57

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1607 que Rembrandt naissait à Leyde dans le moulin immortel. Comme Frans était né en 1584, il avait par conséquent vingt-trois ans à cette époque.

S’il faut en croire le terrible Houbraken, la vie que les jeunes peintres menaient alors à Harlem n’était point précisément édifiante. Tout autour de la cathédrale et comme sous le couvert inattendu de saint Bavon, une foule de tripots et de cabarets borgnes entassés ouvraient leurs antres joyeux à la bohème artiste. Là se réunissaient nombre de gueux et de truands qui ne s’occupaient guère entre eux de savoir si Laurent Coster était ou n’était pas l’inventeur des caractères. Les tulipes que l’on cultivait là étaient celles du visage, et la mise en couleur du nez par le procédé de la teinture intérieure donnait lieu à des tournois assis que les poètes célébraient avec enthousiasme. Frans Hals se distinguait entre tous par sa belle humeur, son assiduité et la mesure de son verre. Ses chansons passaient pour les plus montées en poivre et en épices, et quand il les scandait sur la guitare, toutes les servantes ouvraient la bouche pour faire voir leurs trente-deux dents. Mais le génie ne perd pas ses droits, même en pareille compagnie, et quelque troublé qu’il fût par les rasades de vin du Rhin, l’œil du peintre s’exerçait activement et sa main ne perdait rien de son assurance. Les portraits d’ivrognes et de spadassins qu’il exécuta dans ces cabarets de Saint-Bavon, sont des merveilles de l’art et des œuvres sans pair que toutes les galeries s’arrachent à l’heure qu’il est. La belle grosse maritorne de la collection La Gaze, que nous avons au Louvre, est un spécimen excellent de cette première manière de Hals, manière expéditive s’il