Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/64

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acquérir une égale. Cette vogue, Frans Hals la dut-il à son admirable talent de coloriste et de physionomiste, ou plutôt à sa manière expéditive de fixer les ressemblances, voilà ce dont il est difficile de juger. Mais il est certain que les commandes débordaient chez lui et qu’il dut à ce moment gagner beaucoup d’argent. S’il ne sut pas comme Rubens, son glorieux contemporain, économiser pour ses vieux jours, c’est sans doute qu’il se montra rebelle aux conseils de la rusée Lysbeth, ou encore qu’il n’espéra point atteindre à la longévité que le ciel lui réservait. Mais la fortune n’avait attendu que son second mariage pour le traiter en enfant gâté et l’année même de cette union Frans Hals obtenait des arquebusiers de Saint-Georges la commande, tant enviée alors, d’un tableau de corporation.

Le musée de Harlem en conserve dix, et le onzième appartient à l’hôtel de ville d’Amsterdam. Ce sont onze chefs-d’œuvre véritables par lesquels Hals mérite d’entrer dans la pléiade de ceux que Théophile Gautier a nommés un jour les dieux et les demi-dieux de la peinture. Il n’y a point d’exagération à dire que si Frans Hals n’avait pas fait ces tableaux, nous n’aurions probablement pas le « Banquet de la garde civique » de van der Helst, ni la « Ronde de nuit », ni les « Syndics » de Rembrandt. Établissons ici, sans y insister davantage, que si Frans Hals n’est pas l’inventeur des tableaux de corporation, il en est le créateur, et que ses rivaux ne l’ont dépassé qu’en l’imitant, quand ils l’ont dépassé.

Dans l’un de ces tableaux se trouve le second portrait de Hals que nous avons signalé ; il est daté de 1639 ; le peintre a par conséquent cinquante-cinq ans. Nous