Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/102

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— Sa raison ?

— Eh bien, voici. Il y a dans la pièce une soubrette, d’ailleurs très farce, mais qui est mulâtresse. L’emploi est à Jeanne Samary.

— Le rôle est fait pour elle, il lui ira comme de cire.

— Comme de cire ; tu le dis toi-même. Voit-il, m’a fait Coquelin, notre Jeanne si jolie, si fraîche, s’encrassant le visage au jus de réglisse, le vois-tu, voyons, dis ?

— Pas plus que notre Mounet-Sully se culottant au jus de pipe dans Othello. L’acteur avant tout.

— Parbleu, conclut en riant le Garat des monologues. Et puis, et puis…

— Parle.

— Ta courtisane…

— Eh bien ?

— Elle en est vraiment une, de courtisane, et ça, ce n’est pas possible chez nous. Tiens, même à l’Odéon, dans Le Passant, la courtisane ne l’est que d’apparence, pour la blague, mais elle aime, elle ai-aime, elle ai-ai-aime !…

— Écoute, frère, trouvai-je, tout peut s’arranger pour le comité, et j’ai l’habitude des heureuses retouches. Prie d’abord Émile Perrin d’être malade, au moins pour le jour de la lecture. Puis j’ajoute une scène où la courtisane se confesse et reçoit l’absolution, d’avance, de la noce qu’elle va faire et qui, par conséquent, n’est plus un péché, mais quelque chose comme une fatalité antique mêlée à un devoir professionnel de tous les temps. Au fond on verra se dessiner un cloître dans le style de la Madeleine, plus symbolique encore, s’il est possible, et alors…