Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/111

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coiffe le fétiche. S’il y a des geysers à Panama, ils sont ainsi et non autrement, parole d’honneur.

Ce qui, dans cet enthousiasme du futur auteur de La Dame de chez Maxim’s pour son patron, me paraissait le plus touchant, c’était que, préludant déjà par des essais à sa superbe carrière théâtrale, il ne parvenait pas à communiquer audit patron la foi modeste qu’il y avait dès cette époque. — Je t’aime trop, lui disait Samuel, pour te refuser ta première pièce et surtout pour te la recevoir. C’est parce que j’y crois que je ne veux même pas la lire. J’ai peur de la manquer si elle est bonne et de te la jouer si elle est mauvaise. On ne sait jamais ça d’avance. Va et reviens avec une grosse signature commerciale, je t’attendrai.

Georges Feydeau suivit le conseil du reste. Las de signer ses mille regrets par jour, sans compter les siens, il cessa de les sécréter, et un jour, sur les boulevards, où tout se rencontre, il rencontra un autre directeur de type différent, voire contraire.

Celui-ci était de l’école nihiliste de Nestor Roqueplan. Aux pièces déposées, il se bornait à donner leur numéro de dépôt, comme le conducteur appelle les voyageurs, sous la pluie, à l’omnibus, et il les montait à leur tour, sans préférence, mais non pas au hasard, comme on voit, quand son cadre d’affiche devenait libre. Champignol malgré lui dut le jour à ce système, un peu fataliste mais sûr, dont le philosophe du théâtre des Nouveautés plante aujourd’hui les choux à la campagne.

Et deux ans passèrent, comme ils passent, ailés de plomb, avec cette lenteur rapide à laquelle l’état