Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/127

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public français, peut-être. Nous avons l’âme classique, comme nous l’avons monarchique et chrétienne. On ne saurait avancer sérieusement que le poète des Châtiments fût insuffisant à la besogne : son vers comique équivaut à son vers tragique et le même lyrisme les nourrit. D’ailleurs Ruy Blas est le spécimen concluant du double génie dont le Maître disposait pour reforger l’œuvre de Shakespeare. Mais Victor Hugo a bien vite compris qu’il se heurtait à une routine invincible de l’esprit français. Le mariage de la tragédie avec la comédie était entaché d’inceste, ou pour dire plus juste, d’incompatibilité d’humeur. Il fallut renoncer à leur association. L’expérience prouva que, lorsque le spectateur français s’assied dans une salle pour pleurer, il veut pleurer tout le temps, et sans intermède ; et de même, s’il s’y asseoit pour rire, qu’il répugne à être distrait de sa joie par des épisodes tragiques. Ah ! ce Boileau ! On n’en pas fini avec sa puissance !

L’essai infructueux de fusion eut cependant un résultat, qui fut la trouvaille d’un vers comique tout particulier, sans rapport avec le vers de comédie traditionnel, et dont la force bouffonne trempe encore dans l’hyperbole du tragique. Ce vers coloré, pittoresque, vivant de sa propre gaieté gasconne, presque indépendant de la pensée qu’il contient, gardant en ses sonorités le haut ton déclamatoire du milieu dramatique où il est éclos, c’est au romantisme qu’on le doit.

Il est le vers comique moderne.