Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/175

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couvert de plus à déjeuner. Molière entre, et ils s’enferment. C’est Mme de Maintenon qui garde la porte. On a remarqué que ces déjeuners coïncident toujours avec le besoin que Molière a d’une pièce nouvelle pour son théâtre et sa troupe et qu’il sort du déjeuner avec un rouleau sous le bras. »

Et vingt-deux pages plus loin, dans le manuscrit de mon ancêtre : — « On s’étonne partout, à la Cour comme à la Ville, du privilège théâtral dont le Roy a investi son valet de chambre illettré, le sieur Poquelin dit Molière, mais surtout de l’ordre qu’il a donné de représenter L’Imposteur, aux grands cris de l’archevêque de Paris qui, d’ailleurs, ne connaît pas la pièce et n’a pas à la connaître. Voici ce que je sais à ce sujet. Je faisais un extra à Versailles et j’y surveillais le service dans l’antichambre. Attentif au moindre bruit de la voix sonore de Sa Majesté, je ne tardai pas à m’assurer qu’Elle déclamait des vers. Quand ce fut fini, j’entendis distinctement ladite voix bien connue s’écrier sur un ton un peu despotique peut-être : — Or, sus, monsieur de Molière, mon peuple dira-t-il que j’ai eu tort de supprimer un pareil poète dramatique et de le jeter dans les oubliettes de la Bastille ? — Non, sire, susurra la marquise, votre bien-aimé peuple ne dira pas cela. Un pareil génie tourne à la concurrence déloyale. Il découragerait tous ses contemporains, et votre siècle serait flambé dans l’histoire. — Et Molière apparut, un énorme cahier sous l’aisselle.

« Or, c’était précisément le temps où le Masque de fer venait d’être enfermé à la Bastille, et, le Masque de fer, c’est le frère du Roy, il n’y a là-dessus qu’une faible controverse. Du reste, huit jours après,