Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/177

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nombre de pieds voulu y était. Est-ce que le Masque de fer en aurait assez de l’anonyme ? Chercherait-il à divulguer la raison véritable du traitement qu’il endure et qui serait ainsi celle de ses talents ? Le gouverneur a cru bon de porter tout de suite ce plat à M. de Louvois, qui, à sa vue, est entré, comme à l’habitude, en une colère épouvantable, parce que le manuscrit du chef-d’œuvre avait été remis, le matin même, à déjeuner, par le roi, à ce malheureux sot de Molière. M. de Louvois a immédiatement mandé M. de Colbert qui est accouru presque sans passer ses culottes, et est resté navré en reconnaissant l’écriture. — Il faut l’envoyer à Pignerol, a dit le ministre des armées. — Et supprimer Molière, témoin gênant, a ajouté celui de l’intérieur. Quant aux douze alexandrins, il suffira de les couper à la représentation. — Quel dommage pourtant, a repris M. de Louvois, ils sont les seuls amusants de la pièce. — Oui, mais la raison d’État l’exige. »

Et ici une note marginale devant laquelle tous les doutes s’écroulent en tas.

« Au dernier vendredi, qui d’ailleurs était un treize, M. Racine, historiographe du roi, s’est, assez imprudemment du reste, déboutonné. Il est vrai que ces messieurs venaient d’apprendre la mort étrange de Molière qui, depuis, ne nous a plus donné aucun ouvrage. Pressé par M. Despréaux de révéler ce qu’il savait sur l’aventure des fossés de la Bastille, il a fait tirer les portes et, à voix basse, il a conté qu’il y avait autre chose que les douze vers du plat d’argent. — Qu’est-ce qu’il y avait ? a demandé M. de La Fontaine, un peu émerillonné par le vin d’Arbois qui est le meilleur de ma cave. — Eh bien, voici. Il y avait