Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/215

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l’enfant s’exerçait à l’art de l’artillerie ; un petit lit Louis XVI et un travail de patience sous verre.

Les vieux bouquins que Gregorovius y vit dans un placard, en 1852, y sont encore. Je les ai ouverts moi-même, et j’ai reconnu les livres de théologie, le Tite-Live et le Guicciardini dont il parle, et qui proviennent évidemment du cardinal Fesch. Mais, je ne sais pourquoi, ces reliques et toutes les autres manquent d’âmes. On n’y croit pas. Peut-être sont-elles mal présentées. Si elles sont authentiques, elles ne semblent point l’être.

Elles m’ont fait l’effet d’avoir été groupées précipitamment pour une visite inopinée de la postérité. Je les donnerais toutes contre un simple soulier du gamin, quelque vieux soulier éculé conservé par une bonne femme du port, amie de la famille et naïvement admiratrice de la précocité de l’enfant phénoménal.

Comme je sortais de visiter cette « casa Bonaparte » très profondément remué par la personnalité terrible de cet homme, en proie à une légende dont aucun enfant du siècle n’aura pu secouer l’obsession, j’errais sur les petites rues dallées, malpropres, grouillantes d’enfants, où le vent du port agite aux fenêtres des chapelets de piments rouges.

L’une de ces ruelles me porta sur la place au milieu de laquelle ruisselait une fontaine abondante. Et sur cette fontaine je vis un Napoléon d’une tristesse affreuse !

Abattu, courbé, pénible, les regards blancs fixés au sol, émacié dans les plis flasques de sa toge césarienne et traînant une massue symbolique comme on tire un petit chien, le malheureux empereur sem-