Hélas ! je verrai ce temps-là, et je le regrette, car la Corse, telle qu’elle est, m’enchante.
J’y réalisai l’un des rêves de ma jeunesse : celui d’être Bas-de-Cuir chez les Peaux-Rouges.
Les métaphores sylvestres fleurissent naturellement nos confabulations, et entre compagnons de voyage nous ne nous connaissions plus déjà que par des surnoms fenimoresques d’une saveur de forêt vierge.
— Où est Pipe-d’Écume ?
— Dans la sente aux Lianes, avec le Chasseur-de-Mouflons. Œil-de-perdrix est allé le rejoindre !… »
Les passages silencieux, avec leurs ondulations boisées, encadrent à merveille ces dialogues, et de temps en temps, dans les gorges des montagnes, une détonation pittoresque, annonçant que justice sommaire de quelque chose par quelqu’un venait d’être faite sous le seul regard de Dieu, ajouta encore à l’illusion. C’est une des deux cent mille âmes de la Corse qui s’envole et réintègre le Grand-Tout.
« Prions », disait Canne-à-Épée.
Cette ressemblance de la Corse avec l’Hudson avant la conquête, ajoutée au caractère des villes que nous rencontrons, est frappante.
Je m’obstine à voir en Ajaccio l’un de ces forts anglais, avant-postes de la civilisation armée, où l’on doit, selon Fenimore, enlever la fille blonde du major !… Elle en est pleine, de ces blondes, car la Grande-Bretagne, qui regrette cette île, est en train de créer à Ajaccio, comme à Madère, une petite station d’hiver qui deviendra grande.
Corte serait, on imagine, la citadelle arrogante