Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/222

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fils ou les frères de ceux qui avaient incarcéré Glatigny. Ils étaient occupés à regarder avec une lorgnette la cime d’une montagne voisine, qui domine le village et s’appelle la Pintica.

Or, dans cette Pintica, depuis plus de quarante années, je dis quarante, habitent deux bandits fameux, aujourd’hui des vieillards, qu’aucun gendarme n’a jamais pu prendre, sous aucun gouvernement. Il est vrai qu’ils ne sont pas poètes. Quand le merle leur parle, ils lui répondent en merle.

Pour les gendarmes, cette Pintica est une cime inaccessible. L’idée de grimper là leur fait transpirer les bottes.

Ils savent d’ailleurs que les deux vieillards sont tireurs émérites et qu’à cinq cents pas ils n’ont pas encore manqué leur homme.

« Brigadier, dis-je à celui qui dardait la lorgnette, vous contemplez une bien jolie montagne. Elle est verte, comme l’émeraude, et j’ai apporté ma lyre pour la célébrer devant vous. L’un de mes amis, qui est mort, en traite éloquemment dans un petit opuscule consacré à la gendarmerie corse et purement édité par Lemerre vers 1869.

« C’est là que réside paisiblement cette antique famille des Bellacoscia, déjà florissante du temps de feu Glatigny, et tout à fait prospère du nôtre. Bien des générations de gendarmes se sont succédé et se succéderont encore avant que l’une d’elles mette enfin la main sur ces gloires de la Corse qu’Edmond About visita, qui eurent l’honneur de saluer le baron Haussmann, puis S. M. la reine de Suède, et vingt autres étrangers de distinction en passage. »

Comme le brigadier continuait à explorer de la