Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de sa main le traître Matra, partisan des Génois. Et, ceci fait, il revint à Soveria sans avoir voulu serrer la main au héros national, ni même le voir.

Il rentra dans sa maison, déposa son arme dans un coin, et s’asseyant dans l’âtre :

« Mère, vous êtes obéie, dit-il.

— Bien, fit-elle, voici la polenta du soir. »

Paoli fut obligé de venir lui-même à Soveria remercier son libérateur. Tout le caractère corse est dans cette histoire, très populaire chez les insulaires, et qui attend son poète.

Je ne demanderais pas dix ans pour que le défilé de Santa Regina, en Corse — s’il était connu — devint aussi célèbre que n’importe quels cols de la Suisse ou des Pyrénées les plus chantés par les guides et les touristes, car il est de toute beauté.

Nous pouvons dire que nous l’avons à peu près découvert. Je n’ai pas vu du moins qu’il ait été exploré par d’autres excursionnistes, et s’il l’a été, ils n’ont pas rendu justice à ses magnificences.

Cette rampe débute par une corniche montant par de larges lacets à l’escalade de la montagne. Encore un remarquable travail d’art, dont le seul défaut est de s’arrêter court, étant inachevé, et d’aboutir au vide.

Le Golo coule sur la gauche, et à mesure qu’on l’abandonne pour s’élever vers le pays des aigles, il gronde de plus en plus et plus sévèrement et gémit par les voix déchirantes de ses cascades.

Au point d’interruption de la corniche, près d’une petite auberge en bois où l’on peut remplir sa gourde d’eau-de-vie et casser une croûte, il faut renoncer à la douce véhiculation des calèches. C’est le