Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/269

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aériens, masses régulières, entassements scientifiques de blocs carrés et pareils à ces forteresses où la féodalité enfermait ses villes.

À ce tableau succède celui d’un petit Vésuve en éruption, bavant de tous les côtés des laves de plomb liquide qui sont les chutes d’eau des sources naissantes. Puis, au tournant entre les mélèzes, comme un miroir de Vénus égaré sur gazon, un lac miroite.

La route dite « muletière », soit l’espèce de glissade raboteuse et croulante où nos mulets tournent suspendus, circule sous les rocs surplombants et longe le précipice. C’est effrayant, cet escalier de Piranèse où d’heureux lézards chauffent au soleil leurs fins corps de crocodiles, pareils à des agrafes d’émeraude ! Jamais je n’ai vu autant de lézards qu’en Corse, ni d’aussi jolis. Mais, hélas ! qu’ils ont peur de l’homme !

À gauche, baignée dans l’ombre violâtre d’où surgissent quelques aiguilles roses, la scala di Santa Regina se masse ténébreusement et s’enfouit, pleine de mystères.

À droite, elle flambe.

Les clameurs du Golo tantôt nous quittent et tantôt nous reprennent et rien n’est comparable enfin à l’espèce d’angoisse délicieuse qui nous étreint pendant cette ascension perpendiculaire, plus abrupte cent fois que le chemin du paradis.