Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/289

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Le hasard, qui est parfois le meilleur des cicérones, voulut qu’entre plusieurs hôtels, également excellents, nous descendissions à l’hôtel de France, lequel est — révérence parler ! — l’hôtel « républicain » de la ville. Comme nous avions pour chef d’expédition un prince de la famille Bonaparte, ce choix désola les établissements rivaux et scandalisa les groupes politiques.

Dieu sait pourtant s’il avait été involontaire, pas un de nous ne pouvant se douter qu’il y eût manifestation d’opinion active ou réactive à se loger à gauche ou à droite dans la rue de la Traverse ! Mais en Corse on ne badine pas avec ces bêtises-là ! Entre nous, on ferait mieux d’aller travailler.

« Lorsque vous arriverez à Bastia, nous avait dit un voyageur d’expérience, ne quittez pas votre voiture, laissez aller, et regardez à droite et à gauche les portes qui défileront devant vous. Dès que vous verrez sur le seuil de l’une d’elles un homme coiffé du haut de forme et habillé de la flûte des soirées, vulgo queue-de-morue, arrêtez-vous et entrez sous cette porte. Elle est la bonne. On y mange des murènes des étangs de Biguglia ! »

Et le voyageur d’expérience avait ajouté :

« Vous ne pouvez pas vous y tromper. Ce haut de forme et cette queue-de-morue sont les seuls qui soient en Corse !… »

Fidèles au programme, nous criâmes donc : Stop ! à notre cocher dès que nous aperçûmes, ainsi qu’il était écrit, le « soyeux » indicateur qui répondait au signalement ; et c’est ainsi que nous devînmes les hôtes du digne M. Staffe !

Le digne M. Staffe était une des curiosités de Bas-