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II

FRANCIS MAGNARD


Francis Magnard adorait la littérature, qui restait inattentive à son adoration, et, comme il était très fin et avisé des choses, il se rendait fort exactement compte de son malheur. Or, c’en est un grand, en effet, dès que l’on s’en rend compte. L’illusion seule en supprime les affres. Tous ces jeunes poètes triomphants, dompteurs du verbe et de l’idée, tous ces maîtres aussi, laurés de gloire, qui traversaient à la file son cabinet de rédacteur en chef du journal, alors le plus lu de l’Europe, y laissaient une tristesse et en épaississaient l’ombre.

Oh ! ce cabinet, étroit, sombre, sans ornements, au bout d’un couloir, loin de la rue, et que la nuit envahissait à quatre heures, je l’y vois encore, travailleur acharné et courbé sous la lampe, au milieu de cette correspondance qu’il dépouillait avec une curiosité maussade ! Il affectait ce « buralisme » à la Rothschild. Puis, avec un sourire demi-bienveillant