Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/77

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million, ce sera donc à l’Académie ? Elle est bien assez riche, et elle a Chantilly, c’est-à-dire de quoi grésiller des saucisses pour toute la Société des Gens de Lettres. Or, vous voyez celui qui ne demande qu’à en sortir, à briser sa plume, et à savoir enfin pour qui, pour quoi et pour qu’est-ce il a, pendant vingt-cinq ans, rabâché sur son perchoir l’« as-tu déjeuné, Jacquot ? » des publicistes.

Si j’héritais, si j’héritais, on ne me lirait plus et je lirais les autres. Je réaliserais le rêve de Flaubert et de tous les vrais écrivains de race, je jouirais les délices de l’inédit, si j’héritais ! »


Une huitaine de jours après l’article, le facteur de ma rue, fonctionnaire d’ailleurs idéal qui faisait son service en chantant La Marseillaise, comme les réparateurs de fontaines, me jeta dans ma boîte un pli timbré et daté de l’Asie Mineure, soit de Smyrne. Sauf Homère, qui y est un peu né, — encore est-ce douteux, surtout s’il n’a jamais existé, comme on l’assure, — je ne connaissais personne dans cette perle de l’Ionie, ne l’ayant d’ailleurs jamais vue que sous description de voyageurs poètes. Je crus d’abord, car on a son petit orgueil, à l’une de ces demandes d’autographes dont l’entreprise enserre les cinq mondes et je jetai, inouverte, la lettre au panier. Le chiffonnier me la rendit le lendemain, tant il était honnête. En voici la teneur et je n’y change pas un mot :

« Monsieur,

« J’ai lu votre article du 21 mars, intitulé : « Si j’héritais. » Que votre vœu soit exaucé.