Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/90

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parler et qui sont maintenant la fleur de leurs corbeilles.

À six heures du soir, l’atelier de reboutage ferme, et les reboutés escortent le plus aimé de tous les rebouteux jusqu’au fiacre qui l’emporte à la gare. Hiver ou été, quelque temps qu’il fasse, jamais Gondinet ne couche à Paris. Il a besoin de revoir ses bêtes, celles qui ne croient pas en Scribe ; ses chiens, ses chats et sa volière, un tas d’êtres qui estiment que toutes les scènes sont à faire ; il se retrouve en les caressant, en leur parlant ce plaisant langage que La Fontaine, un de ses aïeux directs, professe. Il apprend d’eux à connaître les hommes par le contraste de leurs passions rudimentaires, il les consulte sur les instincts communs à tous les animaux, civilisés ou non, et il s’exerce de plus en plus à leur commerce dans la pratique de cette bonté qui est sa seule philosophie.

Mais j’y pense tout à coup, mon cher Edmond, c’est peut-être là ce que vous vouliez dire avec votre : Il faut être un peu bête pour faire du théâtre !

Tout ceci est pour dire que Le Baron de Carabasse est sorti de l’atelier de reboutage de la rue de Rivoli. Les parties heureuses et bien venues de cet ouvrage, improvisé en quinze jours, constituent la part de collaboration anonyme de Gondinet, et les gens du métier y reconnaîtront son expérience, son esprit de ressources et sa fantaisie. Le vin de Ténériffe est responsable, du reste. Je le bois mieux que je ne le supporte, et je crains fort qu’il y paraisse.