Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

détracteurs de mon ouvrage. Ce fut le dénouement qui gâta l’affaire. Ce dénouement, je l’avais fait pour la province et on me le reprocha dans toute la presse. Sur la foi du roman on s’attendait à une autre conclusion. Dans le roman, en effet, la grossesse de Gilberte dissipe le cauchemar de Maxime et l’enfant emporte la souillure. Je regrette d’autant moins d’avoir modifié cette solution que si j’avais donné l’autre on m’eût d’abord sifflé à outrance, car on m’attendait là ; et puis, à mon gré, le dénouement nouveau est, au point de vue du théâtre, infiniment supérieur à celui du livre, qui lui est meilleur pour le livre. L’hypothèse du viol, reconnu une aberration naturelle d’un mari extrêmement épris et sujet par métier aux crises d’imagination, pose beaucoup plus puissamment au public le problème de la situation. Enfin cette hypothèse rend la pièce jouable, et partout, ce qui est bien quelque chose.

C’est ainsi qu’un Edgar Poe ou un Hoffmann l’eussent présentée, cette situation insoluble qui n’est dénouable que par surprise, à la scène s’entend. Le viol est une fatalité, et comme telle relève de la tragédie. Les fatalités n’intéressent que par les passions qu’elles développent chez l’homme, par la lutte qu’il soutient contre elles, et la force de caractère qu’il y dépense. Maxime est cet homme. Vouloir que sa femme ait été réellement violée pour lui accorder le droit de souffrir, c’est une puérilité de spectateur d’amphithéâtre, qui demande que les choses soient « arrivées », c’est une cruauté de cirque.

J’ai pensé et je pense encore qu’il est normal en art et logique de répondre à un fait de hasard par un autre fait hasardeux, et qu’il m’était permis d’oppo-